Cette histoire est l’histoire d’un binôme pour le moins ….atypique !

Jeudi 23 Juin 2022, 9h, le téléphone sonne alors que je suis plongé dans les tracas quotidiens et classiques d’une journée de travail. À peine ai-je décroché que le ton joyeux de Pascale et la phrase qu’elle prononce et que je crois comprendre  allument un feu d’artifice dans mes yeux. Nous venons de recevoir le mail officiel de l’organisation Ötillö nous annonçant notre qualification directe pour les championnats du monde de swimrun le 5 Septembre en Suède. D’un seul coup, un vertigineux film défile dans ma tête et les images des cinq dernières années surgissent chargées d’adrénaline, de doute, d’émotions, de méduses, de froid, de plaisir, dont les hauts et les bas épousent la forme des vagues et sentiers que nous apprivoisons depuis 2017. Le rêve que nous poursuivons depuis 2019 et qui nous échappait à chaque fois au fil des accidents et du COVID vient de se réaliser. Nous sommes qualifiés pour les Championnats du monde 2022 et y entrons de la plus belle des manières par la grande porte avec une qualification directe grâce à notre 14ème place lors de l’épreuve qualificative de Scilly début Juin.  

 

C’est la concrétisation d’une belle rencontre avec un personnage hors du commun qui s’appelle Yanis LINGE passionné par le swimrun. La première fois que je l’ai vu, c’est lors d’un stage organisé en Avril 2017 par Olivier Dominguez, le coach de notre club Courir à Fuveau. J’observais ce grand gaillard massif aux épaules de déménageurs souffrir dans les cols du massif de l’Esterel à cause de son manque d’entrainement et d’un peu d’embonpoint. Nous avions tapé la causette et il m’avait d’emblée parlé de swimrun. Un mot que j’entendais pour la première fois. Il m’a alors décrit l’Ötillö, une course qui se déroule chaque année en Suède dans les eaux froides de l’archipel des iles au large de Stockholm. Le principe est simple: rallier le plus rapidement possible Utö en partant de Sandhamm au cours d’un périple de 75kms traversant 26 iles en courant et en rejoignant chacune d’elle à la nage. Soit 10kms de natation dans la mer Baltique, ses eaux entre 10 et 14° et 65kms de trail dans des zones la plupart du temps vierges. En rentrant chez moi, je me suis précipité sur Internet pour découvrir cette mystérieuse course d’un genre nouveau. Les images que j’ai vues m’ont surtout refroidi. Bien trop habitué aux  eaux chaudes de la Méditerranée, je ne me projetais vraiment pas dans ce type d’aventure hors norme. Je laissais donc celui que je prenais pour un doux rêveur seul avec son rêve pour me concentrer sur ma préoccupation du moment : la préparation de l’Ironman de Nice quelques mois plus tard.

L’été passé et mon objectif atteint, Yanis revint vers moi une deuxième fois pour me proposer une expérience en binôme sur le swimrun de Beaulieu en Octobre pour finir la saison, histoire de voir si ça me plairait. Les 5.5kms de natation m’effrayaient un peu mais il finit par me persuader, ma curiosité aidant. Nous entreprîmes donc nos premiers entraînements à la Ciotat. L’expérience fût d’entrée concluante. Dès nos premiers entraînements, le courant passa entre nous. Ce nouveau sport mêlant trail dans une nature  souvent sauvage et nage en eau vive dans des endroits parfois inaccessibles, loin des piscines aseptisées, me rappelaient mes aventures en montagne où l’on doit d’abord composer avec la nature avant de parler de performance, tout en sachant rester humble face à ses propres limites. Mais le deuxième point qui m’accrocha le plus, c’est cette aventure partagée à deux, liés l’un à l’autre par cette longe pour le meilleur et pour le pire, scellant un pacte d’une rare intensité. Cette sorte de cordon ombilical au travers duquel on finit par ressentir son partenaire n’était pas sans me rappeler des expériences similaires déjà vécues par le passé. Comme ce contact fusionnel que j’avais parfois avec mes chevaux lorsque la complicité était à son paroxysme et que le moindre de leurs tressaillements me traversait le corps, me donnant un bref instant l’illusion  d’être un centaure. J’y retrouvais aussi ce plaisir immense des courses en tandem avec ma femme où les nombreux kilomètres accumulés et notre connaissance plus qu’intime l’un de l’autre nous mettait à l’unisson pour réagir en un dixième de seconde sans se parler pour une relance en danseuse où à l’entame d’un virage dans une descente effrénée à des vitesses dépassant parfois les 110kms/h. Ces souvenirs étaient parmi les plus intenses gravés dans ma mémoire et voilà que Yanis venait me proposer de renouveler l’expérience dans un autre registre.

 

Ce premier swimrun fut pour moi une belle révélation et c’est ainsi que naquit la belle aventure de notre binôme. Sur le papier, pourtant, beaucoup de choses pourraient nous opposer : 15kg d’écart sur la balance avec nos deux gabarits différents, 20 ans de différence au point de passer pour père et fils et chacun de nous est le boulet de l’autre en natation ou en course à pied. Cependant, nous partageons le même rêve et surtout la même philosophie dans la manière d’aborder le swimrun, basée sur le partage de la découverte, l’écoute et le soutien permanent l’un envers l’autre, la performance ne venant qu’en dernier.

L’Ötillö devint notre Graal et nous entreprîmes sa quête même si je trouvais cet objectif un peu tardif à l’aube de mes 60 ans. Face à mes doutes, les étoiles dans les yeux de Yanis avaient fini par envahir les miens. 

Les premiers entraînements hivernaux furent parfois épiques, parfois difficiles lorsque la neige s’en mêlait. Nous avons progressivement apprivoisé l’eau froide, finissant par prendre un certain plaisir à nager dans des eaux à 11°. De temps en temps les méduses s’en mêlaient, nous occasionnant quelques belles brûlures. En 2019, un bateau croisa ma tête au beau milieu de nulle part à une semaine de l’Ötillö de Cannes. Le choc violent m’occasionna 17 agrafes sur le crâne. D’autres fois, les rochers coupants nous laissaient de belles entailles dans les tibias ou les mains. De son côté Yanis était régulièrement embêté par des tendinites ou déchirures au niveau de ses mollets. Le doute s’installait alors mais le plaisir était toujours là et les émotions que nous partagions lors des épreuves étaient à chaque fois plus fortes. 

Durant les 5 années qui ont suivi, nous nous sommes découverts l’un l’autre avec nos forces et faiblesses. 

Nous avons pris confiance en nous même et en l’autre. L’un a multiplié les kilomètres en natation et l’autre a perdu 10kg et se faisait régulièrement violence dans des montées de la Sainte Victoire, le but étant d’être le boulet le plus léger possible de l’autre. 

Chacun de nous est la force de l’autre et nous prenons en permanence un plaisir profond à mettre chacun nos points forts au service de ce binôme atypique pour nous permettre d’avancer encore mieux et plus fort. Parfois, ceux qui ne nous connaissent pas nous regardent d’un œil étonné lors de la remise des dossards ou sur la ligne de départ. 

Une victoire à la Ciotat, une quatrième place à Beaulieu, deux stages et de belles rencontres avec Nicolas Remires et le Team Envol, des épreuves de plus en plus ambitieuses avec le swimrun Vertical de Laffrey, l’Ultra swimrun du Verdon et enfin cette belle 14ème place au swimrun Ötillö des Iles Scilly début Juin (pronostiquée par Nicolas !) sont le résultat de ce chemin que nous avons rêvé, tracé, parcouru et gravi pour vivre cette épreuve originelle et maintenant mythique de l’Otillö.

 

Ce matin, des frissons ont parcouru encore une fois ma main lorsque j’ai validé sur le site de l’organisation  notre participation à ces championnats du monde. Le nom de notre équipe, de notre club, de notre village ainsi que nos deux noms sont désormais fièrement affichés sur la liste des 160 équipes qualifiées.

Il nous reste maintenant un peu plus de 2 mois pour parfaire notre préparation et gérer la pression qui va peu à peu nous gagner mais c’est aussi un peu ce que nous recherchons!

Rendez-vous est pris le 5 Septembre pour la poursuite de cette belle aventure avec  Pascale et Diana nos plus belles supportrices.